samedi 22 mars 2008

Révolution




Dans ma chambre le lit se trouvait ici, l’armoire là et entre les deux il y avait la table.

Jusqu’au jour où j’en eus assez.

Je déplaçai le lit là, et l’armoire ici.

Pendant un certain temps je sentis couleur en moi un courant novateur vivifiant. Mais au bout de quelques jours…l’ennui revint.

J’en tirai la conclusion que la source de mon ennui était la table, ou plutôt sa position immuablement centrale.

Je poussai donc la table là, et le lit au milieu. De façon anticonformiste.

Cette seconde nouveauté me redonna de la vitalité, en tant qu’elle dura, j’acceptait la gêne anticonformiste qu’elle occasionnait. En effet je pouvais plus dormir maintenant le visage tourné vers le mur, ce qui avait toujours constitué ma position préférée.

Au bout d’un certain temps, néanmoins, la nouveauté cessa d’être nouvelle, et seule subsista la gêne.

Dans ce conditions, je poussai le lit ici et l’armoire au milieu.

Cette fois, le changement fut radical.

En effet, l’armoire au milieu de la chambre, c’était plus que de l’anticonformisme.

C’était de l’avant-garde.

Au bout d’un certain temps, néanmoins…

Ah, ce maudit « certain temps » !

Bref, même l’armoire au milieu de la chambre cessa de ma paraître quelque choses de nouveau et d’inhabituel.

Il convenait d’opérer une cassure, de prendre une décision fondamentale.

Si, dans le cadre si-dessus définit, aucun véritable changement n’était possible, il importait de sortir complètement de ce cadre.

J’ai pris la décision de dormir dans l’armoire.

Tous ceux qui ont essayé de dormir debout dans une armoire savent qu’avec une telle absence de confort on est absolument assuré de n’est pas trouver le sommeil, sans parler de l’exténuation qui s’empare des jambes, et des douleurs dans la colonne vertébrale.

OUI, ce fut une bonne décision.

Succès, victoire complète.

Car, cette fois-ci, même le « certain temps » n’eut aucun prise. Au bout d’un certain temps, non seulement je ne m’habitait pas à mon changement, c’est à –dire que le changement demeura changement, mais au contraire, je ressentis ce changement avec de plus en plus d’acuité, car la douleur allait en croissant à mesure que le temps passait.

Tout aurait donc été pour le mieux, n’eût été ma résistance physique, qui s’avéra limitée. Une certaine nuit, je n’y tins plus. Je sortis de l’armoire et m’allongeai sur le lit.

J’ai dormis trois jours et trois nuits.

Après quoi je poussai l’armoire contre le mur, et la table au milieu, car l’armoire au milieu me gênait.

Maintenant le lit se trouve ici, comme avant, l’armoire là, et entre deux il y a la table.

Quand l’ennui me guette, je me remémore l’époque où j’étais révolutionnaire.

« La vie est difficile » Slawomir Mrozek






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